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Les véhicules du capital investissement en droit tunisien

Auteur: Mohsen Dkhili, Docteur en droit privé, Enseignant universitaire et chercheur


Face à la raréfaction des crédits accordés par les banques, les promoteurs intéressés par la création de nouvelles entreprises se sont orientés vers d’autres modalités de financement.

C’est le cas du capital investissement (dit aussi capital risque et Private Equity), créé sous la pression des réalités économiques et financières, pour satisfaire les besoins des entrepreneurs. « L’idée moderne est de procurer à une entreprise des ressources stables sous la forme d’une souscription à une augmentation de capital ou d’obligations convertibles, ou d’autres instruments ouvert par l’évolution récente du droit commercial[1]».


En Tunisie, à la lumière des montants des capitaux gérés, la contribution du capital investissement, dans l’apport de fonds propres, reste faible. En effet, selon les statistiques de l’ATIC[2], le capital investissement en Tunisie n’est pas, actuellement, le premier moyen pour financer les petites et moyennes entreprises, ou encore toute forme de projet.

La majorité absolue des financements de nouveaux projets ou des entreprises en plein essor se fait par le recours à l’endettement bancaire.

Néanmoins, aujourd’hui, le capital investissement suscite un nouvel intérêt, vu la prise de conscience de toutes les parties de la nécessité de renforcer le haut de bilan des entreprises.


Côté loi, le développement des sociétés d'investissement à capital risque a commencé effectivement depuis 1988. La loi N° 88-92 du 2 août 1988, telle que modifiée et complétée par la loi n°92-113 du 23 novembre 1992, et par la loi n° 95-87 du 30 octobre 1995.

Dans cette loi, le législateur tunisien a établi un cadre juridique propre au capital-risque et se réduisant à 3 articles (art 21, 22 et 23).

La loi de 1988 a été modifiée, aussi, par la loi n° 2001-83 du 24 juillet 2001, portant promulgation du code des organismes de placement collectif.

La loi n°2001-91 du 7 août 2001 portant simplification des procédures spécifiques aux autorisations administratives délivrées par les services du ministère des finances dans les diverses activités qui en relèvent vient s’ajouter aux précédentes dans l’objectif de faciliter les procédures.

Elle, aussi, a été modifiée par la loi n°2003-80 du 29 décembre 2003 portant loi de finances pour l’année 2004, ainsi que par la loi n° 2005-105 du 19 décembre 2005 relative à la création des fonds communs de placement à risque et la loi n° 2008-78 du 22 décembre 2008 portant modification de la législation relative aux sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque.

Enfin, elle a, aussi, été modifiée par les deux décrets – loi n° 2011-99 et 2011 – 100 du 21 octobre 2011 portant modification de la législation relative aux sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque[3]. Cette dernière modification a eu le mérite de séparer la réglementation de la création et de l’organisation d'une SICAR, de sa réglementation fiscale que nous retrouvons dans le deuxième décret – loi n°100[4]. Effectivement, avant ces deux décrets - lois, les SICAR relevaient d’un cadre légal et fiscal commun. Ce capital investissement peut se définir, selon D. Nouvellet, comme « L’association d’un entrepreneur et d’un capitaliste, qui vont ensemble courir le risque de l’entreprise et se partager leurs évènements profits[5] ».

Il s’agit, dans cette définition selon Nouvellet, d’un partenariat entre deux parties : l’entrepreneur et le capitaliste. Ce partenariat doit être étalé sur l’ensemble des étapes de la vie d’une entreprise, c’est à dire depuis les préparations du capital investissement informel[6] jusqu’à la sortie de l’investisseur. Le capital – risque désigne, de ce fait, les opérations d’investissement dans des entreprises en création ou dans de jeunes entreprises technologiques (appelées pousses chez les français et start up en anglais).

De son côté, le décret – loi n° 2011-99 du 21 octobre 2011 portant modification de la législation relative aux sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque qui dispose dans son article n° 22 (nouveau) « Les sociétés d'investissement à capital risque ont pour objet la participation, pour leur propre compte ou pour le compte des tiers et en vue de sa rétrocession ou sa cession, au renforcement des opportunités d’investissement et des fonds propres des sociétés établies en Tunisie et non cotées à l’exception de celles exerçant dans le secteur immobilier relatif à l’habitat ».


Nonobstant, la définition du capital investissement, l’un des problèmes qui se posent au fondateur/promoteur (ou aux fondateurs), dès le début, est la forme de la société.

En effet, la diversité des formes des sociétés constitue, à la fois, un large éventail de choix mais aussi un vrai casse – tête pour le promoteur – fondateur. Et en Tunisie, nous avons deux véhicules pour le capital investissement. Il s’agit de la société d’investissement à capital risque (SICAR) et le fonds commun de placement à risque (FCPR). Et nous constatons là une dualité trompeuse car ils bénéficient, à la fois l’un et l’autre, des mêmes mesures fonctionnelles, à un ou deux détails près.


Avant d’exposer la problématique de ce travail, nous tenons à préciser que plusieurs autres véhicules se trouvent dans des régimes juridiques étrangers, comme la SAS (en France et au Maroc) et les partnership limited et general (en Angleterre)[7].


Dans ce cadre, il devient évident de se poser les questions concernant les règles essentielles à l’existence, donc la création et le fonctionnement, d’un véhicule du capital investissement pour qu’il puisse être efficace et rentable ?


Pour y répondre nous allons tenter d’étudier les règles les plus importantes des véhicules du capital investissement, c’est-à-dire la SICAR (I) et le FCPR (II).


I) La société d’investissement à capital risque : SICAR


La SICAR en tant que société anonyme ne peut échapper aux règles du droit commun et du code des sociétés commerciales pour sa création, son organisation et sa gestion (A). En outre, la SICAR jouit de règles spéciales (B) pour sa constitution et sa gestion par la même loi de 1988 et les modifications qui lui ont été apportées en particulier les deux décrets-lois 2011-99 et 2011-100 du 21 octobre 2011.


A) Les règles de droit commun


La loi n° 88-92 du 02 août 1988 dispose expressément que la SICAR doit être une Société Anonyme ayant un capital social composé d’actions[8].

Le code des sociétés commerciales, de sa part, dispose dans ses articles de 160 à 389 des règles spécifiques à la création, organisation, gestion et dissolution de la SA.

La SICAR, en étant une SA, y est soumise[9], pour autant qu’il n’y ait pas de dérogations légales.

Il faut noter, dans ce cadre, que la loi française ainsi que la loi marocaine se démarquent de leur homologue tunisienne et disposent, toutes les deux, que la société de capital – risque (SCR) « est une société par action[10]». Elle peut, donc, être SA, SARL, SCA[10] ou une société par actions simplifiée (SAS), cette dernière est absente de la loi tunisienne.


En outre les dispositions générales du titre premier du livre premier du CSC concernant les sociétés commerciales, les articles 160 à 162 CSC mentionnent les dispositions générales pour la constitution d’une SA.

Il s’agit du nombre d’actionnaires qui doit être, au moins, sept et « qui ne sont tenus qu’à concurrence de leurs apports ».

Il s’agit, aussi, des désignations : dénomination sociale, forme de la société (article 160 CSC) et le montant du capital social (article 161 CSC), élément de garantie pour les créanciers[12] .

Si en Tunisie, le principal véhicule du capital – investissement est, certainement, la SA qui a permis, depuis la promulgation de la loi n° 88-92 du 02 août 1988, à la SICAR de dominer les activités du capital investissement[13], le cas n’est pas similaire en France, où la SCR a perdu son statut de véhicule favori au profit des Fonds d’Investissement[14]. Les SCR sont « simplement de sociétés anonymes de droit privé ayant opté pour un régime fiscal de faveur ; l’avantage pouvant être accordé aux actionnaires (SFI) ou à la structure elle – même (SCR)[15]». Il est clair que les sociétés par actions dont l’activité principale est l’investissement en fonds propres dans des sociétés non cotées veulent profiter des avantages d’un statut fiscal de faveur créé depuis 1985[16]. La situation n’est pas différente, en Tunisie, où les SICAR jouissent de plusieurs avantages fiscaux, frôlant parfois la limite du raisonnable.


Lorsque la SICAR est constituée en contravention des règles de constitution, sa nullité doit être prononcée. En effet, est nulle toute société constituée en violation des règles prévues par le CSC relatives à la SA[17].


B) Les règles spéciales


Le paragraphe 2 de l’article 2 de la loi n° 88-92 du 2 août 1988 dispose que les sociétés d’investissements « sont régies par les dispositions du code de commerce tant qu'il n'y est pas dérogé par la présente loi ». Les exceptions aux textes de droit commun et du code des sociétés commerciales sont nombreuses.

Le texte du décret – loi n° 2011-99 du 21/10/ 2011 dans son article 22 (nouveau) ne permet pas à un investisseur en capital investissement d’être actionnaire majoritaire.

En effet, il dispose « Aucune société d'investissement à capital risque ne peut détenir à elle seule la majorité du capital ».

En d’autre terme, le maximum de participation dans un fonds propre d’une entreprise, pour un capital investisseur, serait de 49%. Cette limitation légale crée des contraintes spécifiques à son statut d’actionnaire minoritaire. L’investisseur va s’efforcer de résoudre la situation par l’aménagement de droits particuliers et la mise de protections spécifiques, que nous retrouvons notamment dans le pacte des actionnaires.

Le décret – loi n° 2011-99 du 24 octobre 2011 a introduit plusieurs nouvelles mesures assouplissantes. Parmi elles, il y a l’assouplissement des modalités d’intervention par la mise en place de nouveaux instruments financiers, à la disposition des véhicules d’investissement. Dans ce cadre, la SICAR intervient au moyen de la souscription ou de l’acquisition d’actions ordinaires ou à dividende prioritaire sans droit de vote, de certificats d’investissement et au moyen de l’acquisition ou de la souscription de parts sociales. Elles peuvent, également, intervenir au moyen de la souscription ou de l’acquisition de titres participatifs, d’obligations convertibles en actions et d’une façon générale de toutes les autres catégories assimilées à des fonds propres conformément à la législation et la réglementation en vigueur.

La prise de participation des SICAR dans les fonds propres des entreprises doit être au moins de 80 % de leurs actifs dans des sociétés établies en Tunisie et non cotées à la bourse des valeurs mobilières de Tunis, à l’exception de celles exerçant dans le secteur immobilier relatif à l’habitat. Elle se réalise dans un délai ne dépassant pas les deux années suivant celle au cours de laquelle a eu lieu la libération des parts[18]. Nous remarquons que la nouvelle législation a augmenté la participation du SICAR aux capitaux des entreprises de 65% à 80% rendant le véhicule d’investissement exposé à plus de risques de gestion de ses propres fonds, de l’avis même de plusieurs auteurs et experts dans le domaine. Peut-être que le législateur pourrait introduire dans le texte deux taux. Le premier de 65% pour les deux premières années et le deuxième de 80% pour la suite. La loi a, en plus, supprimé l’énumération des entreprises à financer et elle a élargi le champ d’intervention du capital investissement à l’exception de celles exerçants dans le secteur immobilier relatif à l’habitat[19].

Un obstacle majeur pourrait se dresser devant l’entrée ou la sortie du capital investisseur dans l’entreprise. Il s’agit des clauses d’agrément et de préemption, qui permettent aux actionnaires en place de s’opposer à l’acquisition de titres par des tiers, donc d’opérer un filtrage de l’arrivée de nouveaux associés[20]. Autrement dit, permettre aux associés, et notamment le capital investisseur, de continuer à maitriser l’évolution de la répartition du capital social de l’entreprise[21].


Dans ce cadre, nous dénombrons deux cas. Le premier est celui de la société ne faisant pas appel public à l’épargne. Le second est celui de la société faisant appel public à l’épargne[22].


1) La société ne faisant pas appel public à l’épargne, c'est-à-dire des sociétés non cotées : le législateur dans l’article n° 321 n’a pas interdit les clauses d’agrément ou préemption[23], mais elles seront considérées non écrites au cas de l’introduction de la société à la bourse.


2) La société faisant appel public à l’épargne, c'est-à-dire des sociétés cotées à la bourse des valeurs mobilières : le droit tunisien manifeste une hostilité à l’égard d’une telle clause. Et il l’a considère non écrite au cas où le statut la contiendrait.


Le décret -loi de 2011 impose que le capital social d’une SICAR ne doit être moins de cinq cents mille dinars et totalement libéré[24] En plus, le texte de n°88-92 imposait la déclaration de toute constitution de SICAR auprès du Conseil du marché financier (CMF).


Une dernière exception intéressante concerne la durée de vie d’une SICAR qui doit être de courte durée ne dépassant pas dans la majorité des cas les dix à douze ans et se dissoudre par arrivée du terme, telle que consacrée par l’usage chez les anglo – saxons[25].


Toute personne, et en particulier celles citées par le texte du décret – loi de 2011, qui aura contrevenu aux règles de la création et de fonctionnement d’une SICAR est susceptible de peines de prison de plus de seize jours jusqu’à une année ou d’une amende allant de deux milles jusqu’à vingt mille dinars ou des deux sanctions à la fois.


II) Les fonds : Fonds commun de placement à risque (FCPR) et Fonds de fonds


Les procédures d’investissement en Private Equity dépendent de plusieurs facteurs de l’investisseur, tels que le délai de temps nécessaire et essentiellement les objectifs fixés. Alors, un investissement en société non – coté peut, donc, se faire au travers d’organisme de placement commun en valeurs mobilières (OPCVM) spécialisés tels que des FCPR ou des fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), mais également en investissant en direct au capital d’une société ou par l’intermédiaire d’un fonds de fonds. Ceci signifie que le FCPR a le choix d’investir directement dans des sociétés commerciales ou industrielles ou d’investir indirectement à travers d’autres fonds, et dans ce cas on parle de Fonds de Fonds.

C’est dans cet objectif que le législateur tunisien, en 2005, à la recherche de nouveaux véhicules d’investissement pour relancer le capital investissement, a introduit deux nouveaux véhicules soumis au contrôle et à la tutelle du Conseil du Marché Financier (tout comme pour les SICAR[26]) à savoir : les fonds d’amorçage et les fonds communs de placement à risque. Ces derniers sont de nature juridique différente (A) de celle de la SICAR et ils ont des règles de constitution particulières (B).


A) La nature juridique d’un fonds


Tout comme pour les fonds d’amorçage, les FCPR et les fonds de fonds sont « des fonds communs de placement en valeurs mobilières[27]». Ils sont régis par le code des organismes de placement collectif promulgué depuis 2001[28]. Il indique que ce sont des copropriétés dépourvus de la personnalité morale. Les dispositions du code des droits réels relatives à l'indivision ainsi que les dispositions régissant les sociétés en participation ne lui sont pas applicables[29]. Les porteurs de parts, leurs héritiers, les ayants droit et leurs créanciers ne peuvent provoquer le partage en cours d'existence d'un fonds commun de placement en valeurs mobilières. Toute stipulation contraire est réputée non écrite[30].


De par leur nature juridique, les FCPR ne constituent pas, eux aussi, une innovation en tant qu’entité juridique. Ces véhicules empruntent leurs règles de constitution, de fonctionnement et de dissolution aux règles régissant les fonds communs de placement[31], tant que celles – ci ne sont pas écartées par des règles propres aux FCPR.


Un gestionnaire assure la gestion du fonds pour le compte des porteurs de parts, en conformité avec les dispositions du code des organismes de placement collectif, et avec ce que prévoit son règlement intérieur. Le gestionnaire d'un fonds commun de placement en valeurs mobilières est soit une banque ou un intermédiaire en bourse ayant la forme de société anonyme ou la société de gestion visée à l'article 31 du même code[32].


Quant aux actifs ils doivent être déposés auprès d’un dépositaire[33]. En effet, l’article 28 de la loi n° 83 du 24 juillet 2001 dispose « Les actifs d'un organisme de placement collectif en valeurs mobilières doivent être conservés par un dépositaire unique qui peut être une banque au sens de la loi relative aux établissements de crédit ou l'une des personnes morales ayant leur siège social en Tunisie et figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre des finances.

Le dépositaire est désigné dans les statuts ou le règlement intérieur».

Il est à remarquer que le même article interdit le cumul des tâches de gestionnaire et de dépositaire. Cette interdiction est un point positif car la séparation des responsabilités augmente les chances d’avoir une meilleure gouvernance et plus de transparence dans la gestion des affaires d’un FCPR. Par contre, la gestion d’une SICAR est plus tôt beaucoup moins transparente voire opaque de l’avis de la majorité des auteurs.


L’article 12 de la même loi exige que le FCPVM réunit au moins cent mille dinars lors de sa constitution, alors que l’article 13 ajoute que « Les droits des copropriétaires sont exprimés en parts ; chaque part correspond à une même fraction de l'actif du fonds commun de placement en valeurs mobilières. Les parts du fonds sont des valeurs mobilières ». Dans ce cadre, les porteurs de ces parts ne peuvent pas demander leur rachat avant l’expiration d’une période fixée dans le règlement et ne dépassant pas dix ans[34].


B) Les règles spéciales au FCPR


La spécialité principale et capitale pour les FCPR est son objet. En effet, les FCPR ont comme principal objet « la participation pour le compte des porteurs de parts et en vue de sa rétrocession ou sa cession, au renforcement des opportunités d’investissement et des fonds propres des sociétés ».

Cette participation doit être à raison, au moins, de 80 % de leurs actifs dans des sociétés établies en Tunisie et non cotées à la bourse des valeurs mobilières de Tunis à l’exception de celles exerçant dans le secteur immobilier relatif à l’habitat.

Elle doit être réalisée dans un délai ne dépassant pas les deux années suivant celle au cours de laquelle a eu lieu la libération des parts[35].

La nouvelle législation a augmenté (tout comme pour les SICAR) la participation du FCPR aux capitaux des entreprises de 65% à 80% rendant, du coup, ce véhicule d’investissement exposé à plus de risques de gestion de ses propres fonds, selon les avis de plusieurs auteurs experts dans le domaine. Notamment, que les portefeuilles des FCPR se composent généralement des PME en phase de démarrage et qui ne sont pas génératrices de dividendes au cours des premières années de démarrage. Ce taux élevé pourrait handicaper le gestionnaire en termes de liquidités du fonds.


L’article 22 quinquies du décret – loi n° 99 du 21 octobre 2011, distingue les FCPR orientés vers les investisseurs avertis ayant bénéfice de procédure allégée fixée par le CMF et de ceux orientés vers les investisseurs non avertis. Le premier FCPR à procédure allégée est réservé aux investisseurs «qualifiés» (investisseurs institutionnels, grandes entreprises, personnes physiques qualifiées)[36]. Quant au deuxième FCPR agréé[37] par le Conseil de Marché Financier (CMF), ouvert à tous types d’investisseurs particulièrement ceux n’ayant pas de connaissance ni d’expériences dans le domaine, donc non avertis.

Le décret-loi n° 2011-99 cite comme investisseurs avertis, les dirigeants, les salariés et les personnes physiques agissant pour le compte de la société de gestion des fonds et à la société de gestion elle-même[38].

La constitution et la liquidation de ces fonds, dédiés aux investisseurs avertis, sont soumises à un agrément allégé du conseil du marché financier[39]. Nous retrouvons les procédures de constitution, modification et liquidation d’un fonds dans la décision du CMF n° 20 en date du 26 décembre 2013.


Une autre nouveauté dans le décret 2011-99. En effet, l’article 22 ter (nouveau) dispose « Les fonds communs de placement à risque peuvent être constitués sous la forme de fonds qui emploient leurs actifs dans la souscription aux parts de fonds communs de placement à risque prévus par l’article 22 bis du même code ou aux parts de fonds d’amorçage prévus par la loi n° 2005-58 du 18 juillet 2005 ».

Ces véhicules (les FCPR) sont plus souples pour le capital investissement, notamment par rapport aux SICAR.

La souplesse apparait dans la répartition de la fonctionnalité du fonds, entre le fonds lui-même qui n’a pas de personnalité morale bien que l’action d’investissement se réalise en son nom, et le gestionnaire qui a une seule tâche de gestion bien définie par la loi et le dépositaire qui reçoit les fonds propres. La répartition des tâches les rend plus facile à gérer comme elle doit assurer le plus de transparence possible, dans ce cadre des auteurs ont écrit « Le fonds d’investissement et l’unité ou le véhicule élémentaire du capital investissement[40]».


Dans la pratique en Tunisie, paradoxalement, les SICAR continuent à primer dans les activités du capital investissement par rapport aux FCPR. C’est peut-être là un résultat de l’aspect socio – culturel qui caractérise nos capitaux investisseurs qui refusent de se plier aux règles de gestion transparentes et à la bonne gouvernance. Ils rendent, ainsi, les choses dans le domaine du financement par le capital investissement plus compliquées et ils n’aident pas à améliorer les mécanismes de travail pour réaliser de meilleures performances[41].

Les participations des fonds communs de placement à risque doivent faire l'objet de conventions entre la société de gestion et les promoteurs fixant les modalités et les délais de la réalisation des opérations de rétrocession ou de cession[42]. Ces conventions ne doivent pas stipuler des garanties hors projet ou des rémunérations dont les conditions ne sont pas liées aux résultats des projets[43].

En plus, le règlement du FCPR doit préciser notamment la durée du fonds, l’orientation de la gestion, les informations périodiques aux investisseurs, les modalités de distribution, de souscription et de rachat de parts et les frais de gestion.

En outre, les deux articles premier et deuxième du décret n° 2012-891 du 24 juillet 2012 limitent la participation des FCPR aux entreprises.

En effet, ils ne peuvent pas employer plus de 15% des montants souscrits durant chaque période de souscription, en interventions prévues à l'article 22 quater dudit code, au titre d'un même émetteur sauf s'il s'agit des valeurs mobilières émises par l'Etat ou les collectivités locales ou garanties par l'Etat, à condition que l'assiette de calcul de ce taux soit les actifs du fonds à la fin de la période.

En revanche, ils peuvent intervenir au profit des sociétés visées à l'article précité et dans lesquelles ils détiennent au moins 5% du capital, sous forme d'avances en compte courant associés, de souscriptions ou d'acquisitions d'obligations convertibles en actions, de titres participatifs et d'une façon générale de toutes les autres catégories assimilées à des fonds propres conformément à la législation et la réglementation en vigueur, à condition que le total de ces interventions ne dépasse pas 30% des actifs du fonds.

Enfin les FCPR ne sont pas obligés de réemployer les fonds lorsque la cession ou la rétrocession a lieu pendant la période de pré – liquidation[44].

Un FCPR, en tant que OPCVM, ne peut pas réunir lors de sa constitution moins de cent mille dinars comme montant minimum[45].

[1] BORDERIE (A.), «A cet égard, le capital investissement est l’une des formes modernes du capitalisme, …. », Financer les PME autrement, le capital investissement des fonds propres pour les entrepreneurs, Publication Maxima-L. du Mesnil, Paris, 1998, P. 9. [2] Rapports de l’ATIC sur l’activité du capital investissement en Tunisie 2012, 2014 et 2015. [3] J. O. R. T n° 81 du 25 / 10 / 2011, décret – loi n° 2011-99 du 21 octobre 2011 portant adaptation des avantages fiscaux relatifs au réinvestissement dans le capital – risque avec le champ d’intervention des sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque. [4] J.O.R.T n° 81 du 25 / 10 / 2011, décret – loi n° 2011-100 du 21 octobre 2011 portant modification de la législation relative aux sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque. [5] NOUVELLET (D.), « Le capital-risque, un métier qui tarde à devenir majeur », revue Banque n°505, mai 1990, p. 455. [6] Pour plus d’informations au sujet du capital investissement informel, voir Dkhili Mohsen, « Le capital investissement en droit tunisien et en droit comparé », Thèse de doctorat en droit privé, FDSP de Tunis, 2019, P. 44 et s. [7] DKHILI (M), Le capital investissement en droit tunisien et en droit comparé, Thèse de doctorat en droit privé, FDSP de Tunis, 2019, P. 104 et s. [8] FRISON-ROCHE (A.-M.), BONFILS (S.), « Il n’existe pas de SA sans capital social composé d’actions, sorte particulière de parts sociales en ce qu’elle soit « négociables », c'est-à-dire susceptible de circuler sur un marché », Les grandes questions du droit économique : introduction et documents, PUF, 2005, P 209. [9] Les règles et dispositions du CSC applicables à la SA sont clairement et expressément d’ordre public, qu’elles soient prévues pour la constitution (art 163 à 187 CSC), que pour son fonctionnement (art 188 à 386 CSC) ou pour sa dissolution (art 387 à 389 CSC). L’article 179 CSC, concernant la constitution d’une SA, dispose que « Est nulle et de nul effet toute société anonyme constituée en violation des articles 160 à 178 du présent code ». Ce texte est une illustration parfaite du caractère impératif des dispositions régissant la SA. [10] COTTON (E.), « Les sociétés de capital-risque sont des sociétés par actions dont le siège social est situé en France. Elles peuvent donc prendre la forme de sociétés anonymes, de sociétés en commandite par actions ou de sociétés par actions simplifiées. », Op cite, P 4. [11] Il existe d’autres formes en droit européen tel que la EURL et la EARL, http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/eurl-entreprise-unipersonnelle.php. [12] Cour Cass., 1er mars 1928, R. P. S., 1928, P 194 : « Parmi les types juridiques de sociétés, il en est que la loi a soustraites à la liberté contractuelle, en raison de ce que les associés n’y sont tenus des dettes sociales que dans la mesure de leurs apports respectifs, de sorte que les créanciers n’y ont d’autre gage que les biens apportés en société et leurs accroissements ; qu’aux fins de garantir les tiers contre la diminution que ce gage peut subir, la loi a voulu que, dans les statuts de ces sociétés à responsabilité limitée ou sociétés par actions, la masse des biens formée par les apports fût évaluée à une somme déterminée, dite capital statutaire ou social, laquelle représente le minimum de valeur que les associés s’engagent à maintenir, au patrimoine social dans l’intérêt des tiers ». [13] ATIC, Les statistiques d’activités des acteurs tunisiens du capital – investissement en 2013. Publié en avril 2014, P 10. [14] AFIC rapport des activités des acteurs français du capital investissement en 2014, P 42. [15] POITRINAL (F.D.), Le capital – investissement : Guide juridique et fiscal, éd. Revue Banque, 4ème édition, année 2015, P 46. [16] Loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, article 1. Complété par le décret n° 85-1102 du 9 octobre 1985. [17] Article 179 CSC « Est nulle et de nul effet toute société anonyme constituée en violation des dispositions des articles 160 à 178 du présent code. Cette nullité ne peut être opposée aux tiers ni par les actionnaires, ni par la société. » [18] Article 22 bis (nouveau) du décret n° 2011-99 du 21 octobre 2011, portant modification de la législation relative aux sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque et assouplissement des conditions de leurs interventions. [19] Article 21 (nouveau), décret – loi n° 2011-99 du 21 octobre 2011 [20] BOFFA (R.), DUHAMEL (J.-Ch.), (dirigé par), La distinction associé – créancier à l’épreuve du risque analyse juridique appliquée au private equity, Recherche, éd. Mission de recherche droit et justice, Univesité de Lille 2, 2013, P 85 [21] CA Paris, 14 mars 1990, « Une décision qui valide une clause statutaire de préemption en tirant argument de ce qu’elle réserve un juste prix au cédant et lui laisse la possibilité de vendre ses parts, même à un tiers, en cas de renonciation à la préférence » Bull. Joly 1990, pp. 353-362, Op cite, P 86. [22] KHARROUBI (K.), Droit des sociétés commerciales, Vol I, 2008, P 55. [23] DAHDOUH (C.), DAHDOUH (H.), « la clause est valable tant qu’elle reste dirigée contre l’acquéreur, … », Entreprises sociétaires et Groupements privés, éd. IHE, 1ère, 2007, P 596. [24] La commission de sanction de l’ACPR en France, par une décision du 19 mars 2014 n°2013-02, a prononcé une sanction pécuniaire de 100.000 Euros assortie d’un blâme à l’encontre d’une entreprise d’investissement pour non – respect du niveau de fonds propres réglementaires requis, Chammas & Marcheteau, Avocats, Lettre d’informations, 2014. [25] SCHMIDT (D.), “et systématiquement appliqués dans les FCPR”, les fonds de capital investissement : principes juridiques et fiscaux, éd. Lextenso, Paris, 2009 et 2014, P. 153. [26] Article 23 deuxième point (nouveau) du premier tiret du premier paragraphe « Les sociétés d’investissement à capital risque qui gèrent pour le compte de tiers avertis ou non avertis, des ressources spéciales, mises à leur disposition, sont soumises au contrôle du conseil du marché financier.) Décret – loi n° 99 du 21 oct 2011. [27] Article 22 bis (nouveau) du décret n° 2011-99 du 21 octobre 2011, portant modification de la législation relative aux sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque et assouplissement des conditions de leurs interventions. [28] Le code des organismes de placement collectif a été promulgué par la loi n° 2001-83 du 24 juillet 2001. [29] Article 10 du code des organismes de placement collectif a été promulgué par la loi n° 2001-83 du 24 juillet 2001. [30] Article 17 du code des organismes de placement collectif a été promulgué par la loi n° 2001-83 du 24 juillet 2001. [31] L’article 3 du décret 2011-99 dispose : « Les dispositions des articles 22 bis, 22 ter, et 22 quater du code d’organisme de placement collectif promulgué par la loi N° 2001-83 du 24 juillet 2001, tel que modifié et complété par les textes subséquents sont abrogés et remplacés par les dispositions suivantes ». [32] Selon l’article 22 octies du décret n° 2011-99 du 21 octobre 2011, portant modification de la législation relative aux sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque et assouplissement des conditions de leurs interventions, c’est l’article 31 du code des organismes de placement collectif a été promulgué par la loi n° 2001-83 du 24 juillet 2001, ou l’article 20 de la loi n° 2005-96 du 18 octobre 2005 relative au renforcement de la sécurité des relations financières, [33] Cour de cassation, chambre commerciale, Audience publique du mardi 4 mai 2010, N° de pourvoi: 09-14975, Publié au bulletin, Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2009), que le fonds commun de placement Delta Prime ESSF (le fonds), organisme de placement collectif à règles d'investissement allégées à effet de levier, agréé le 26 février 2008 par l'Autorité des marchés financiers (l'AMF), … 1°/ que si le dépositaire, en tant qu'il est teneur de compte conservateur, est tenu de restituer les actifs de l'organisme de placement collectif en valeurs mobilières dont il a la garde, les dispositions légales et réglementaires d'ordre public destinées à assurer la protection de l'épargne et le bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers ne font pas obstacle à la conclusion, ……… [34] Article 22 sexies du décret n° 2011-99 du 21 octobre 2011, portant modification de la législation relative aux sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque et assouplissement des conditions de leurs interventions. [35] Idem Article 22 bis (nouveau) [36] BONNET (Ch.), Finance entrepreneurial : financer la création et la croissance de l’entreprise innovante, Economica, 2012, [37] ESSOUSSI (A.), « l’agrément est un acte de nature administrative pris par une autorité administrative ayant reçu compétence pour agir dans le respect de al réglementation. … il est accordé, il peut être retiré dans certaines conditions, il est créateur de droits opposables à l’administration qui a été à l’origine de la décision prise … », fiscalité et investissements, IORT, 2002, P. 37. [38] L’article premier du décret n° 2012-2945 du 27 novembre 2012, portant application des dispositions de l'article 23 de la loi n° 88-92 du 2 août 1988 relative aux sociétés d'investissement, et l'article 22 quinquies du code des organismes de placement collectif dispose « Est considéré investisseur averti, l'investisseur qui dispose de l'expertise, de la connaissance et des compétences nécessaires pour prendre ses décisions d'investissement et en évaluer les risques inhérents et qui appartient à l'une des catégories d'investisseurs mentionnées aux articles 2 et 3 du présent décret ». [39] Article 22 quinquies du décret n° 2011-99 du 21 octobre 2011, portant modification de la législation relative aux sociétés d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque et assouplissement des conditions de leurs interventions. - Décision générale du Conseil du Marché Financier n°20 du 26 décembre 2013 relative aux procédures de construction et de liquidation des fonds communs de placement à risque et des fonds d'amorçage ainsi qu'aux modifications les affectant et aux obligations d'informations y afférentes, P. 1 et s. [40] Idem P. 22. [41] HUGOT (J.-B), le cas est semblable selon cet auteur en France, Le guide des sociétés de Capital investissement, les éditions du management, L’Entreprise, 3ème éd. 2000, P. 20. [42] Article 22 quater (nouveau) paragraphe 2 « Les participations des fonds communs de placement à risque doivent faire l'objet de conventions entre la société de gestion et les promoteurs fixant les modalités et les délais de la réalisation des opérations de rétrocession ou de cession». [43] Idem [44] Article 22 undicies du décret – loi n° 2011-99 du 21 octobre 2011, portant modification de la législation relative aux sociétés d'investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque et assouplissement des conditions de leurs interventions. [45] Article 12, loi n° 2001-83 du 24 juillet 2001 portant promulgation du code des organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

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