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Nouvelle législation minière au Mali

Auteur: Mohamadou Fallou MBODJI, International Projects Lawyer, Paris Bar


Au Mali, le Conseil National de Transition (CNT) adopte deux nouvelles lois portant respectivement Nouveau Code Minier et Loi sur le Contenu Local.

Deuxième pays producteur d’or en Afrique – derrière le Ghana – avec plus de 72 tonnes d’or en 2022 et d’énormes réserves inexploitées, le Mali entend désormais augmenter sa part du gâteau afin de faire « briller l’or pour les Maliens » conformément au vœu du chef de la junte dirigeante. Il vient d’adopter une nouvelle législation minière – une loi portant nouveau code minier et une autre relative au contenu local – qui devrait lui permettre d’augmenter sa part des recettes minières et faire contribuer le secteur minier au développement du tissu industriel national et à la formation de la main d’œuvre locale.
Cette nouvelle législation qui s’applique aux projets miniers en cours en cas de renouvellement est de nature à plomber le climat des affaires, d’après certains opérateurs miniers.
Ci-dessous une brève analyse sur les points saillants de cette réforme.

Le 8 août dernier, le Conseil National de Transition (CNT) (qui tient lieu de Parlement au Mali) a adopté la Loi n° 2023–040. Ladite loi promulguée le 28 août dernier porte nouveau code minier en République du Mali (ci-après le « Nouveau Code Minier »), lequel est accompagné d’une autre loi relative au contenu local dans le secteur minier (ci-après la « Loi sur le Contenu Local »).

I. Le Nouveau Code Minier


Succédant à l’ordonnance n° 2019-022/P–RM du 27 septembre 2019 relative à l’ancien code minier, le Nouveau Code Minier fait suite à un audit diligenté par le CNT en 2022 aux termes duquel il ressort que le Mali ne percevait pas sa juste part des recettes générées par son secteur minier.

Il pourrait affecter les projets miniers existants auxquels il s’applique en cas de renouvellement et décourager de nouveaux investisseurs.

Par rapport au code minier de 2019, le Nouveau Code Minier consacre plusieurs nouveautés dont les plus saillantes sont :


o L’augmentation de la contribution optionnelle de l’État dans les projets miniers.


Conformément au vœu du Président du CNT de faire « briller l’or pour les Maliens », le Nouveau Code Minier a augmenté la participation optionnelle de l’État.

Ainsi, outre la contribution obligatoire qui, elle, est maintenue à 10% comme dans le précèdent code minier, l’article 80 du Nouveau Code Minier accorde désormais à l’Etat l’option d’acquérir une participation complémentaire de 20% du capital des sociétés d’exploitation au lieu des 10% que prévoyait le précédent code minier. Avec l’augmentation de sa contribution optionnelle, le Mali espère accroître ses recettes minières de 500 milliards de FCFA (soit 807 millions USD).

Dans la même logique, le Nouveau Code Minier s’est voulu plus directif – ce qui est la nouveauté par rapport à la formulation du code minier de 2019 – en imposant aux sociétés d’exploitation de céder 5% de leurs actions aux investisseurs maliens, ce qui porte à 35% le total des participations de l’État malien et du secteur privé local.

L’objectif final visé est de faire monter la contribution des mines à 20% du produit intérieur brut (PIB), contre 9% actuellement.

Aux dires de certains opérateurs miniers, une telle situation pourrait décourager les investisseurs internationaux d’engager de nouveaux projets miniers si l’État malien et le secteur privé local devaient exercer systématiquement leurs droits optionnels.


o La réduction de la période de stabilité des conventions d’établissement.


Le Nouveau Code Minier réduit la durée de la stabilité des droits miniers.

Aux termes de son article 132, la période de stabilité des titres miniers et des conventions d’établissement auxquels ils sont associés - jadis illimitée - est désormais écourtée à 10 ans à compter de l’entrée en vigueur de la convention d’établissement.

De même, le bénéfice de la législation fiscale la plus favorable, lequel permettait à un investisseur d’opter pour une nouvelle disposition fiscale plus favorable en cas de modification de la législation fiscale applicable nonobstant l’existence d’une clause de stabilité n’est pas reconduit par le Nouveau Code Minier.

Ces deux points constituent sans doute les nouveautés les moins attractives de cette réforme auprès des investisseurs miniers.


o Le découpage de la convention d’établissement.


Le code minier de 2019 prévoyait une seule convention d’établissement qui couvrait les périodes de recherche et d’exploitation dont la durée de validité était fixée à 20 ans au maximum.

L’article 17 du Nouveau Code Minier prévoit désormais deux conventions d’établissement.

D’une part, une convention d’établissement de recherche qui fixe, pendant la période de recherche, les conditions économiques, juridiques et fiscales des activités de recherche entre l’État et le titulaire du permis de recherche et, d’autre part, une autre convention d’établissement qui fixe, pendant la période d’exploitation, les mêmes conditions entre l’État et la société d’exploitation.

La durée de la convention d’établissement est également réduite à 12 ans, bien que renouvelable plusieurs fois pour la période de validité du permis d’exploitation.

Tout renouvellement de la convention d’établissement d’exploitation doit faire l’objet d’une nouvelle négociation.

L’intérêt stratégique pour l’exécutif malien est de renforcer le contrôle de l’exploitation minière notamment en cas de bouleversement de l’équilibre initial (économique et financier) défavorable à l’État.

Dans un autre sens, du côté des investisseurs, cette renégociation de la convention d’établissement pourrait revêtir un aspect positif lorsque les circonstances nouvelles leurs sont défavorables.


o L’abrogation des exonérations fiscales sur les produits pétroliers pendant la phase d’exploitation.


L’article 57 du Nouveau Code Minier maintient le bénéfice des exonérations fiscales sur les produits pétroliers durant la phase de recherche.

Cependant ce bénéfice, contrairement à la précédente législation, n’est pas reconduit par le Nouveau Code Minier pour la phase d’exploitation.

Il est à rappeler que, selon le Ministre malien de l’Économie et des Finances, ces exonérations représentaient chaque année un manque à gagner de 91 millions d’euros pour l’État malien.


II. La Loi sur le Contenu Local


Le Nouveau Code Minier est accompagné de la Loi n° 2023 – 041 du 29 août 2023 relative à la Loi sur le Contenu Local.

Celle-ci a pour objet l’« ensemble des dispositions et mesures qui exigent des entreprises minières qu’elles donnent la priorité aux nationaux, aux communautés locales, aux entreprises nationales et aux matériaux produits localement dans l’exécution de leurs activités ».

Dans leur ensemble, les dispositions de la Loi sur le Contenu Local sont classiques :


o Champ d’application ratione materiae.


La Loi sur le Contenu Local s’applique aux activités en amont (exploration, recherche, développement et exploitation) mais également aux activités en aval (activités de valorisation, de gestion, de transport, de stockage et de commercialisation des produits miniers).

L’objectif visé est de développer une industrie locale malienne en lien avec le secteur minier.


o Champ d’application ratione personae.


La Loi sur le Contenu Local s’applique à toute personne physique ou morale intervenant directement ou indirectement dans le secteur minier malien.

Il en est ainsi des sociétés minières mais également des fournisseurs et prestataires de services intervenant en amont ou en aval dudit secteur.

Ces opérateurs miniers ont l’obligation, pour leurs activités minières sur le territoire malien, de s’approvisionner en biens et en services auprès des entreprises maliennes, sauf lorsque ces dernières ne sont pas à même de fournir de tels biens et services « dans des conditions de coûts et de planning comparables et selon les standards internationaux applicables à l’industrie minière ».

Dans ce cas, les opérateurs miniers pourront contracter avec des entreprises étrangères.


o Mise en œuvre de la Loi sur le Contenu Local.


Dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de la Loi sur le Contenu Local, les opérateurs miniers doivent mettre en place et soumettre aux autorités compétentes pour approbation un dispositif de contenu local qui décrit les besoins en biens et services, les détails sur leur recrutement et la formation de travailleurs maliens pour remplacer les étrangers et un plan de promotion et d’utilisation des produits et services locaux nécessaires à la réalisation de leurs activités.

Le plan de contenu local doit comprendre également : (i) les assurances, réassurance et services financiers, (ii) les services intellectuels et (iii) le transfert de technologie, des compétences, de la recherche et du développement.

La Loi sur le Contenu Local prévoit également le ratio de personnel étranger par rapport au personnel malien. En l’état, il est difficile de mesurer la portée de telles obligations de contenu local, les décrets d’application prévus n’étant pas encore pris.

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